Comment la Junk-Food nous fait grossir
J’utilise le terme de « Junk-Food » en l’absence d’une bonne traduction en français. Comment décrire en un seul mot la conjonction d’une abondance de graisses saturées et de sucre d’une part, et d’une quasi-absence de nutriments utiles d’autre part ? «Malbouffe» ou «Aliments ultra-transformés» sont des tentatives honnêtes, mais ne traduisent que partiellement l’inutilité, voire la nocivité de ces aliments pour la santé cardiovasculaire.
Mais le sujet de ce post n’est pas leur impact sur le risque de maladies. Ce dont il s’agit ici, c’est l’effet de la Junk-Food sur le poids.
Intuitivement, vous vous dites peut-être que c’est logique, que toutes ces graisses et ces sucres apportent beaucoup de calories, dont l’excès favorise la prise de poids. Mais tous les aliments apportent des calories ! Certains aliments, réputés très sains, en contiennent même beaucoup, comme les avocats et les amandes. Et les calories contenues dans les fruits sont véhiculées exclusivement sous forme de fructose, un sucre simple. Donc, à calories égales, Junk-Food ou Healthy-Food ne devaient pas faire de différence sur la balance, si ?
En fait si. Ou plutôt, l’équation est faussée.
C’est le professeur Kevin Hall et ses collègues qui ont démontré cela de manière très élégante1. Ils ont conçu une étude dans laquelle 20 adultes (10 hommes et 10 femmes) ont été invités à passer quatre semaines dans une unité métabolique. Une unité métabolique est un lieu de vie clos, permettant non seulement de monitorer tous leurs apports alimentaires, mais aussi de mesurer précisément leur dépense énergétique tout au long de l’étude. Ces participant-e-s, dont le poids (légèrement excessif) était stable avant l’étude, recevaient successivement une alimentation à base d’aliments ultra-transformés (pendant 14 jours) et une alimentation normale à base d’aliments ayant subi une transformation minimale (pendant 14 jours également). L’ordre dans lequel ils-elles recevaient ces deux types d’alimentation était aléatoire.
Les deux types d’alimentation apportaient exactement le même nombre de calories, de sucre, de graisses, de fibres et de protéines. Mais après avoir consommé leur portion, les participant-e-s pouvaient en redemander à volonté.
Et que s’est-il passé ?
Les participant-e-s soumis au régime «ultra-transformé» consommaient 500 calories de plus que sous régime «normal» ; 500 calories de plus par jour, c’est énorme. Leur poids augmentait proportionnellement à l’apport énergétique, et les paramètres sanguins étaient altérés.
Dans une interview2, Prof. Hall indique qu’il est probable que l’impact de cette alimentation sur les hormones signalant la faim et le rassasiement pousse à la surconsommation.
Si nos autorités sanitaires appliquaient le principe de précaution avec autant de sévérité que lors de la crise de la «vache folle» dans les années 1990, l’usage de la Junk-Food nécessiterait un mode d’emploi. En présence d’aliments qui affectent autant le signalement neurobiologique de la faim et du rassasiement, qui émoussent en quelque sorte notre capacité à gérer nous-même notre consommation alimentaire, on ne peut pas compter simplement sur la volonté individuelle pour lutter contre l’excès de poids.
La Junk-Food est donc à manier avec précaution.
Ce post est repris partiellement de mon livre « Changer de poids, c’est changer de vie » qui paraîtra en mars 2020. Vous trouverez plus d’informations ici.
1Hall, K. et al. Cell Metab 2019 doi : 10.1016/j.cmet.2019.05.008
2Nutrition Action Healthletter. July/August 2019, p 3-6