La vulnérabilité à la (re)prise de poids en période de Coronavirus

Une récente étude anglaise a montré que les étagères vides dans les supermarchés à l’arrivée du CoVid19 n’était pas tant le fait de quelques pilleurs égoïstes, mais plutôt la conséquence d’une augmentation modeste des achats d’un très grand nombre de gens.

Chacun-e a donc, de manière sensée et prévoyante, augmenté un peu ses stocks pour faire face à l’obligation de prendre tous les repas à la maison, et seulement 3% ont fait une razzia dans les rayons de pâtes.

Seulement voilà ; une augmentation des stocks, même modeste, peut inciter à manger plus. Car si certaines personnes sont particulièrement vulnérables au nouveau Coronavirus, d’autres le sont à la présence des aliments. Pour elles, du fromage et des yaourts en abondance dans le frigo, des paquets de chips dans le placard, une réserve de plaques de chocolat pour « voir venir » sont autant de tentations permanentes. C’est comme si ces produits avaient une voix propre et entonnaient un chant de Sirènes sur le thème de « mange-moi ». Les aliments prêts à consommer chantent le plus fort, mais même les pâtes et le riz ont un certain pouvoir : de nombreuses études ont montré une corrélation entre la quantité d’aliment présente et la quantité consommée (1).

En temps normal, la résistance s’organise assez facilement. Mais actuellement, rien n’est normal. L’organisation des journées est souvent bouleversée. L’anxiété s’immisce dans l’âme des plus rationnels d’entre nous et l’impossibilité de faire des projets use notre patience. La promiscuité vrille les nerfs des uns et la solitude plombe l’humeur des autres. Ce cocktail d’émotions peut être difficile à supporter, et les aliments palatables,ceux qui donnent un véritable shoot de plaisir en stimulant ce que les neurobiologistes appellent le circuit de la récompense, soulagent immédiatement. Avec un goût de reviens-y.

Alors que faire, comment ne pas craquer ? Les cinq stratégies ci-dessous peuvent vous aider (2) :
(Si vous pensez souffrir de troubles du comportement alimentaires, certains de ces conseils pourraient-être contreproductifs et je vous suggère d’aller directement à la 5èmestratégie !)

1° Créez un environnement protecteur
Achetez des aliments « bruts », c’est-à-dire qui nécessitent de la préparation, plutôt que des produits prêts à la consommation.
Évitez de faire des réserves d’aliments auxquels vous êtes particulièrement vulnérable. Si vous en avez chez vous, ne gardez sous la main que la « dose » pour un jour ou deux, et cachez le stock le plus loin possible. Par exemple dans le haut d’un placard derrière une collection de vases difficiles à sortir ; le but est de mettre ces tentations hors d’atteinte, afin de ne pas manger sur un coup de tête. Si vous avez une cave, profitez-en pour y ranger vos réserves. Sinon, le coffre de votre voiture peut aussi faire l’affaire.

2° Restez vigilant-e
Pesez-vous une fois par semaine (mais pas plus). Si vous prenez 1 ou 2 kg, pas de panique, ils s’en iront lorsque la situation sera revenue à la normale. Si c’est plus, prenez le temps de l’auto-observation :

  • Avez-vous augmenté vos portions, est-ce que vous vous resservez à table ? Peut-être mangez-vous pour « accompagner » les personnes qui vivent sous le même toit que vous, et qui ont des besoins supérieurs aux vôtres ?
  • Mangez-vous (trop) souvent ? Les prises alimentaires rythment la journée, mais ne devraient pas être trop fréquentes, surtout si vous ne faites pas plus de 30 minutes d’activité physique modérée par jour.
  • Êtes-vous piégé-e par les aliments « sains » ? Certains aliments sont entourés d’un halo de santé – les amandes, les avocats, les yaourts et autres smoothies. Mais ils contribuent grandement à vos apports énergétiques qui, lorsqu’ils sont excessifs, vous feront prendre du poids. Mangez-les, mais avec modération !

3° Structurez votre journée
Cette stratégie est surtout importante si vous ressentez difficilement la faim et le rassasiement. Certaines personnes ne perçoivent pas bien ces signaux, et il vaut mieux alors fixer des « horaires » pour manger, s’asseoir et ne rien faire d’autre à ce moment-là (même si c’est juste un goûter !).

4° Faites-vous plaisir
Mangez bien sûr des aliments que vous aimez ! Mais ne comptez pas exclusivement sur la nourriture pour votre faire plaisir ou vous détendre. Chacun-e sa recette : un bon film, de la musique, un bain, une sieste (crapuleuse ou non), un bouquin, une conversation téléphonique avec des amis… Et bougez : marchez (ou courez) dehors en restant loin des gens, dansez dans votre salon, faites de la gym ou du yoga, faites ce que vous voulez mais évitez l’immobilité !

5° Demandez de l’aide
Si c’est trop dur, demandez de l’aide. Les diététicien-ne-s diplômé-e-s continuent de travailler et les consultations s’effectuent par téléconférence, ça fonctionne très bien.

(1) Ce sont surtout les travaux de Leann Birch et Barbara Rolls qui ont mis cela en évidence. Brian Wansink les décrit avec humour dans le Chapitre 8 de son livre « Mindless Eating » (« Conditionnés pour trop manger » pour la version française).

(2) Pour la version détaillée des stratégies, pour en avoir d’autres, et pour mieux comprendre les mécanismes du maintien et de la (re)prise de poids, référez-vous à mon livre « Changer de poids, c’est changer de vie ».

Portrait du Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman est spécialiste du maintien de la perte de poids. Elle a étudié le phénomène durant plusieurs années, notamment dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université de Lausanne (Suisse). Elle est également experte en nutrition du sport, domaine qui la passionne tant dans sa vie privée que professionnelle.