Du sucre en liquide

Il y a bien des années, j’avais emmené le fils de mes amis B & B au cinéma. Il devait avoir 7 ans à l’époque et Tarzan était son premier « vrai » film. A l’entracte, déterminée à faire de cette sortie une vraie fête, je lui ai laissé choisir ce qu’il voulait. A ma grande surprise d’alors, il a demandé de l’eau.
Je ne sais pas ce qu’il choisirait aujourd’hui qu’il est adolescent, tant le précieux liquide a été détrôné par les boissons sucrées et les jus de fruits. Aux Etats-Unis en particulier, la consommation de sodas et jus de fruits a augmenté de manière importante depuis la fin des années ’90, pour atteindre près de 15% de l’apport énergétique total quotidien. De nombreuses études ont montré une corrélation entre boissons sucrées et obésité, tant chez les adultes que les enfants*.
Les enfants, cibles privilégiées des fabricants des boissons sucrées (c’est « fun ») ou de jus de fruits (c’est « sain » et ça rassure les parents), régulent en général assez bien leurs apports énergétiques selon leur sensation de faim. Lorsqu’ils sont rassasiés, ils cessent de manger. Hélas pour eux, les calories apportées sous forme liquide sont mal « comptabilisées » par leur organisme, et ne contribuent pour ainsi dire pas à la sensation de satiété. Le verre de soda ou de jus de fruits à 85 kcal (pour 2 dl) passe quasi inaperçu dans la neurobiologie complexe qui régit la faim et la satiété. Alors qu’il ne viendrait pas l’idée à quiconque de manger 7 à 9 morceaux de sucre en une fois, c’est bien ce qui se passe lorsqu’on avale le contenu d’une canette de boisson sucrée !
« Jus et Sodas, ce n’est pas pareil » me rétorque-t-on parfois. C’est vrai, ce n’est pas tout à fait pareil. Les jus apportent un peu de fibres et de vitamine C, sans doute quelques nutriments introuvables dans les sodas, et le type de sucre n’est pas le même (fructose, saccharose ou HFCS pour High fructose corn sirup). Mais il faut être conscient qu’un dl de jus apporte environ 10g de glucides, autant que n’importe quel soda. Même lorsqu’il s’agit de « pur jus sans sucre ajouté ». Bref, du sucre liquide qui se transforme en or en barre pour les firmes agroalimentaires.
Faut-il pour autant bannir les jus de fruits ou les boissons sucrées ? Certainement pas. Mais ne nous leurrons pas : boire un jus n’a pas le même impact sur la santé que croquer une pomme. Adoptons la sagesse de notre jeune cinéphile : privilégions l’eau pour nous désaltérer.
*Par exemple : Vartanian LR et al. Effects of soft drink consumption on nutrition and health: a systematic review and meta-analysis. Am J Public Health 2007;97:667-75.

Portrait du Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman est spécialiste du maintien de la perte de poids. Elle a étudié le phénomène durant plusieurs années, notamment dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université de Lausanne (Suisse). Elle est également experte en nutrition du sport, domaine qui la passionne tant dans sa vie privée que professionnelle.