Mythologie des allergies alimentaires
Merci à Prof Denise-Anne Moneret Vautrin de l’Université de Nancy pour sa conférence d’une grande clarté lors du congrès de l’OCHA, dont je me suis largement inspirée pour ce post !
1er mythe : Les allergies alimentaires sont de plus en plus fréquentes.
Tout le monde en parle, 30% de la population américaine se croit allergique (NYTimes, Mai 2010), mais la proportion d’individus affectés par une allergie alimentaire est stable : 3.4% en France (je n’ai pas trouvé de chiffres récents pour la Suisse, mais ça doit être pareil), entre 2 et 5% aux Etats Unis. Il existe toutefois des allergies « émergentes » dont la prévalence a augmenté au cours des dernières années : l’allergie aux noix de cajou par exemple, ou autres fruits à coque tels que les cacahuètes. Par ailleurs, bien que la prévalence globale des allergies alimentaires reste stable, les formes sévères sont plus fréquentes.
2ème mythe : La maladie coeliaque est une allergie à la farine de blé.
La maladie coeliaque n’est pas une allergie. Il s’agit certes d’une hypersensibilité alimentaire de mécanisme immunologique, mais la comparaison s’arrête là. L’allergie à la farine de blé existe aussi, mais elle est très rare et se guérit heureusement chez les enfants.
3ème mythe : L’allergie alimentaire est facile à diagnostiquer.
Ce mythe est véhiculé par la disponibilité de tests immunologiques, notamment via internet. Ceux-ci ne servent à rien (sauf à enrichir ceux qui ont font le commerce), puisqu’ils mesurent les anticorps IgG (pour immunoglobulines G): ceux-ci font partie de notre système de tolérance (c’est-à-dire le concept inverse des allergies).
La réponse allergique se mesure par le dosage des IgE après exposition à un allergène et des tests allergologiques complexes permettent de déterminer un profil de sensibilisation croisée pour chaque individu.
Les IgG, eux, augmentent de manière physiologique : par exemple, plus on mange de farine de blé, plus les IgG augmentent, ce qui est simplement un signe de la bonne santé du système de protection de l’organisme et n’a rien à voir avec une allergie !
4ème mythe : Lors d’allergie au lait de vache il faut consommer du lait de chèvre.
Les personnes allergiques aux protéines du lait de vache peuvent être sujettes à des réactions sévères lors de consommation de lait de chèvre ou de brebis en raison d’une forte réactivité croisée.
5ème mythe : Le lait de soja remplace le lait de vache.
Le lait de soja n’est pas du lait. Il s’agit plutôt d’un « jus » végétal, qui ne contient pas de calcium (ou très peu). Remplacer le lait par du jus de soja revient à s’exposer potentiellement à des carences nutritionnelles.
6ème mythe : En cas d’allergie, le régime d’éviction doit se poursuivre toute la vie.
Précisons tout d’abord que la liste des aliments à éviter doit être basée sur le profil de sensibilisation croisée élaboré suite aux tests allergologiques. Le régime est très individualisé, et nécessite une aide professionnelle par un-e diététicien-ne expérimenté-e dans le domaine, tant pour éviter les accidents que les carences nutritionnelles. Dans de nombreux cas, la réintroduction progressive de certains aliments peut s’envisager, ce qui améliore considérablement la qualité de vie des patients.
7ème mythe : Avec les aliments « bio », aucun risque d’allergie.
L’allergie alimentaire est une réponse à la présence d’une protéine présente naturellement dans l’aliment, non aux pesticides. L’intolérance à certains additifs n’est d’ailleurs pas une allergie. Dans de rares cas, une consommation très excessive de benzoate de sodium (un conservateur, E211) a été associée à une hyperactivité et déficit de l’attention.
8ème mythe : L’autisme nécessite un régime sans gluten ni caséine.
La palme de la mythologie : entrez « autisme et allergie » dans Google, vous obtiendrez environ 1’290’000 résultats; dans Pubmed en revanche (la base de données de la recherche biomédicale) on obtient 151 résultats, dont 35 articles de recherche depuis 1978. Selon les critères de la recherche fondée sur des preuves, il n’y a à ce jour pas d’évidence que ces régimes d’éviction soient recommandés lors d’autisme. Le mythe s’appuie peut-être sur le fait que de nombreux enfants autistes mangent très peu de fruits et légumes, et par conséquent beaucoup de féculents et laitages. Ces relativement grandes quantités d’amidon et de lactose peuvent augmenter la fermentation intestinale et provoquer des douleurs intestinales donc augmenter l’agitation. En l’état actuel des connaissances scientifiques : favoriser l’équilibre alimentaire oui, suivre un régime sans lait et sans gluten non.
Pour terminer, une vérité : le soja doit être évité avant l’âge de 3 ans, d’une part en raison de son contenu important en phyto-oestrogènes, d’autre part parce qu’il augmente le risque d’allergie aux arachides. Et ça, ce n’est pas un mythe.
Le site du Cercle d’Investigations Cliniques et Biologiques en Allergologie Alimentaire
www.cicbaa.org