Sport : l’hydratation sous les feux de la rampe

Le débat fait rage parmi les initiés depuis de nombreuses années déjà. L’hyperhydratation ayant causé le décès de plusieurs personnes lors d’épreuves d’endurance, le Professeur Tim Noakes a tiré la sonnette d’alarme(1). Ses arguments ont convaincu de nombreux scientifiques (mais pas tous !) et l’American College of Sports Medicine a modifié ses recommandations concernant l’hydratation lors d’épreuves d’endurance, incluant la notion de soif comme indicateur plutôt que des quantités fixes.

Seulement, la transmission de l’information entre le monde académique et le public n’est pas toujours aisée et le message « boire avant d’avoir soif » continue, hélas, d’être véhiculé dans le milieu sport.

Réjouissons-nous donc de l’écho que donne aujourd’hui Anton Vos dans le journal Le Temps (2) à une étude battant en brèche la croyance selon laquelle une déshydratation de 2% n’est pas compatible avec une bonne performance. Pour cette recherche, H. Zouhal et coll. se sont penchés sur la relation entre perte de poids durant le marathon du Mont Saint-Michel et la performance. Ils concluent que la perte hydrique ne prétérite pas la performance, puisque les plus rapides ont perdu le plus de poids durant la course (3). Cette même étude a été commentée dans la Revue Médicale Suisse du 19 janvier (4).

Notons tout de même que les personnes capables d’une excellente performance malgré une perte hydrique conséquente ne sont pas les premiers amateurs venus. Extrêmement bien entraînés, ces athlètes ont un métabolisme adapté à l’effort et à la déshydratation. De la même manière que les coureurs cyclistes participant au Tour de France consomment bien moins que leurs besoins énergétiques théoriques, pour la bonne raison que la théorie ne s’applique pas à ces êtres exceptionnels.

Les marathoniens étudiés présentaient des caractéristiques hétérogènes en termes d’entrainement, d’adaptation à la déshydratation et de résistance à la sensation de soif. Les plus forts ont choisi de perdre le moins de temps possible aux ravitaillements, sachant très exactement quel stress ils pouvaient imposer à leur organisme. Les amateurs ont bu, certains plus que nécessaire comme l’atteste la prise de poids parmi certains, mais l’étude ne permet pas de démontrer qu’ils auraient fait une meilleure performance s’ils s’étaient abstenus.

Aux sportifs du dimanche je déconseillerais d’imiter ces performers de l’extrême, capables de courir un marathon en moins de 3 heures. En revanche, écouter sa soif, sans boire en excès. Ça semble raisonnable, non ?

(1) Noakes TD : Overconsumption of fluids by athletes. BMJ 2003;327:11-14
(2) http://www.letemps.ch/Page/Uuid/821528d2-2994-11e0-9672-d2850ff6335f/Marathoniens_boit-sans-soif_sabstenir
(3) Zouhal H et al. Br j Sports Med. 2010 Dec 15. http://bjsm.bmj.com/content/early/2010/11/15/bjsm.2010.074641.abstract?sid=b7514881-10d1-49c0-9c09-68ccb4549221
(4) http://rms.medhyg.ch/numero-278-page-175a.htm

Portrait du Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman

Dr Maaike Kruseman est spécialiste du maintien de la perte de poids. Elle a étudié le phénomène durant plusieurs années, notamment dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université de Lausanne (Suisse). Elle est également experte en nutrition du sport, domaine qui la passionne tant dans sa vie privée que professionnelle.